Récit

Les Cannabis Social Clubs partent en fumée

Cannabis pour tous ?dossier
Dépénalisation. La justice a prononcé la dissolution de la structure fédérant les coopératives de producteurs.
par Willy Le Devin
publié le 20 juin 2013 à 22h36
(mis à jour le 21 juin 2013 à 12h23)

Les Cannabis Social Clubs (CSC) sont en plein bad trip. Ces coopératives d'autoproducteurs avaient lancé en mars une vaste opération de désobéissance civile, sommant le gouvernement «de prendre ses responsabilités» sur la dépénalisation de la marijuana. Leur credo ? En finir avec l'achat de shit pourri au marché noir, promouvoir le cannabis thérapeutique et peser dans le débat sur la prévention des risques, notamment chez les jeunes.

Mayonnaise. A l'époque, les leaders du mouvement avaient proposé que tous les cannabiculteurs se déclarent en préfecture. Ils voulaient acculer les autorités par la force du nombre «et démontrer, ainsi, l'inanité de la politique de prohibition dans le pays d'Europe qui fume le plus». Malheureusement pour eux, la mayonnaise n'a jamais vraiment pris. Si de nombreux consommateurs ont fait leur coming out sur les réseaux sociaux, rares sont ceux qui ont pris le risque de narguer la maréchaussée… Seuls six clubs sont allés se faire immatriculer.

Pire, le tribunal de grande instance de Tours a prononcé, hier, la dissolution de la structure fédérant l'ensemble des Cannabis Social Clubs français. Ses membres ont désormais l'interdiction de se réunir. Philippe Varin, procureur de la République de Tours, a jugé «l'objet de l'association illicite». Il a estimé, en outre, que «ce n'est pas en faisant de la provocation et en commettant des infractions que le débat sur la dépénalisation avancera sereinement».

Pour le porte-parole du mouvement, Dominique Broc, condamné en avril à huit mois de prison avec sursis et 2 500 euros d'amende pour détention et usage de stupéfiants, c'est la déconfiture. Lorsque Libération l'avait rencontré dans sa maison d'Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) en février, il estimait à 4 500 le nombre de structures pouvant émerger officiellement. «Attention, cela ne veut pas dire qu'elles n'existent pas, tempère un militant très impliqué dans le réseau. C'est juste que les fumeurs de cannabis se sentent persécutés par la police et n'envisagent pas encore d'assumer leur conso au grand jour. Les clichés associés à cette plante ont la vie dure et beaucoup craignent de perdre leur travail. Or, on se rend compte que la majorité des fumeurs ne sont pas des babos avec des dreadlocks jusqu'en bas du cul. La plupart travaillent, ont des enfants, sont proprios.»

Décret. Toutefois, signe que tout n'a pas été perdu, un décret, entré en vigueur le 8 juin, permet à l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) de délivrer des autorisations de mise sur le marché à des produits de santé contenant du cannabis. Il modifie un article du code de santé publique qui interdisait jusqu'ici l'emploi de dérivés du cannabis dans les médicaments. Pour Farid Ghehiouèche, candidat aux élections législatives en 2012 sous l'étiquette «Cannabis sans frontières» et organisateur de la Marche mondiale du cannabis en France, «c'est une avancée majeure. Des milliers d'individus gravement atteints par des maladies invalidantes étaient considérés comme des personnes délinquantes. L'action des CSC pour cette conquête a été déterminante. Rappelons-nous en».

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